Food & social consciousness

L'Italien Massimo Bottura, dont le restaurant à Modène a été élu meilleure table du monde en 2016, rêve de mettre en place dans la capitale un «refettorio», soupe populaire moderne où de grands chefs cuisinent pour les personnes en difficulté.

Sa cuisine est une institution. Son restaurant à Modène, l’Osteria Francescana, a été désigné comme le meilleur du monde en 2016 et compte trois étoiles au guide Michelin. À 54 ans, Massimo Bottura est un chef italien aux multiples facettes. Loin des repas à 600 euros proposés à sa table, il lutte aussi contre le gaspillage alimentaire et l’exclusion sociale. Il est notamment le créateur des «refettorio». Dans ces restaurants, sortes de soupes populaires modernes, de grands chefs viennent cuisiner gratuitement pour les plus démunis, à partir d’excédents cédés par les entreprises du secteur. L’initiative, lancée en 2015 lors de l’exposition universelle à Milan, a été reconduite aux Jeux olympiques de Rio un an plus tard, et Londres dernièrement. Massimo Bottura rêve de voir ce concept implanté à Paris.

 

LE FIGARO. – Les «refettorio» ne sont pas simplement des restaurants. Comment les définiriez-vous?
Massimo BOTTURA. – Ce sont des projets culturels. Grâce à l’aide d’artistes et d’architectes, l’idée est de créer des espaces esthétiques que l’on modèle à notre façon. On y accueille des personnes en difficulté, démunies. Ensuite, on leur offre des repas sur le principe de la soupe populaire. Il est important de lutter contre le gaspillage des aliments, alors nos cuisiniers utilisent uniquement des surplus récupérés par des associations partenaires. En tant que chef, on ne nourrit pas simplement les gens. Le plus important est de leur transmettre des émotions, de la joie.
Le restaurant «Refettorio Gastromotiva», lancé lors des Jeux olympiques de Rio en 2016, a été construit en seulement 55 jours.

Comment avez-vous réussi ce challenge?
Ça a été très rapide. Un matin, David Hertz, le créateur de l’ONG brésilienne Gastromotiva m’envoie un message, m’expliquant qu’il y aurait besoin d’un «refettorio» à Rio de Janeiro. J’étais partant, et j’ai contacté la journaliste brésilienne Alexandra Forbes. Elle a immédiatement accepté. On a mis rapidement tout ça en place, reçu beaucoup de soutien, que ce soit de la part des gens ou des sponsors. Au total, près de 150 personnes ont participé à ce projet à une vitesse folle: les architectes dormaient même sur place! On a reçu l’aide d’artistes comme Vik Muniz, JR, Maneco Quinderé, Pas Schaefer, qui ont décoré le lieu de manière fabuleuse. Environ 80 chefs dont Alain Ducasse, Claude Troisgros et Alex Atala ont cuisiné plus de 3000 repas pendant les Jeux, en récupérant les surplus du village olympique.
La journaliste brésilienne Alexandra Forbes joue aussi un rôle important dans vos projets…
C’est une très bonne amie. Elle écrit pour de nombreux magazines et journaux. Elle a été une des premières à communiquer sur notre projet. Aussi, elle nous a aidé à nous mettre en relation avec les différents chefs cuisiniers de son pays. Alexandra croit vraiment en notre cause. C’est aussi grâce à elle que tout ça est possible aujourd’hui. Mais elle n’est pas la seule à participer. Nous sommes toute une équipe. Et ensemble, on a rendu visible ce qui était invisible.
En 2015, vous avez créé la fondation Food for Soul…
Lorsqu’on m’a proposé d’installer un «refettorio» au Brésil, ma femme, Lara Gilmore, m’a dit qu’il fallait créer une fondation, pour nous permettre de concrétiser nos projets. En avril dernier, la Rockefeller Foundation nous a fait un don qui va nous permettre d’ouvrir au moins deux restaurants aux États-Unis d’ici à 2019. C’est un honneur pour nous, car en général, les fondations américaines préfèrent donner aux associations de leur pays. Mais nous avons encore besoin de récupérer de l’argent, c’est pour ça que le chef français Yannick Alléno organise, le 26 septembre, un gala au Pavillon Ledoyen, pour aider le «Refettorio Gastromotiva» du Brésil.
Paris hébergera les Jeux olympiques en 2024.

Comptez-vous implanter un de vos restaurants dans la capitale?
C’est un de mes plus grands rêves! Après Londres, Paris est la ville la plus importante en Europe. Ce serait un exemple pour le monde entier d’y ouvrir un restaurant pour les plus démunis.On aura besoin de l’aide de la maire de Paris et je suis sûr que tous les plus grands chefs français seront ravis de participer à ce projet commun. À mon avis, ça arrivera bien avant 2024.

Hormis Paris, d’autres lieux vous attirent-ils?
J’aimerais ouvrir un «refettorio» au Burkina Faso. C’est un pays très pauvre et son économie survit grâce aux femmes et à la mode. Je respecte ça profondément, ça me touche. Ensuite, la Grèce m’attire également. Un ami à moi qui est chef là-bas m’a proposé de venir m’installer à Thessalonique, près des camps de migrants. L’idée serait d’y créer une enseigne de crème glacée, pour redonner le sourire à ces personnes en détresse.
En France et jusqu’au 1er octobre a lieu la huitième édition de «Tous au restaurant».

Pour un menu acheté, le second est offert dans les tables partenaires. Que pensez-vous de cette initiative?
Ce genre d’évènements peut vraiment inciter les gens à venir découvrir de nouveaux restaurants. En France, vous avez la chance d’avoir un mélange de cultures extraordinaire et unique. C’est d’autant plus intéressant au niveau de la cuisine, de la nourriture. Et je pense aussi aux jeunes. Ils sont souvent très intéressés par notre terroir, notre savoir-faire. C’est important d’essayer de leur transmettre tout ça à travers ces offres.

 

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Fonte: Le figaro