Gastronomie solidaire
Quand les chefs allient goût et générosité
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Depuis une dizaine d’années, les toques médiatiques n’hésitent plus à sortir de leur cuisine et à utiliser leur notoriété pour défendre des causes caritatives. Ce samedi soir, à Saint-Émilion, Alain Pasard signe le menu d’une soirée organisée par une association de soutien aux patients atteints de cancer.
C’est un des évènements gastronomiques de cette rentrée. La soirée caritative de la Jurade de Saint-Emilion, en faveur de l’association Rose, organisée ce samedi, ne comportera probablement aucun siège vide. L’association, qui soutient les patients atteints de cancer et leurs proches par le biais de différentes actions (magazine, maison d’accueil, covoiturage, etc.) sera, ce soir, soutenue par la présence de 200 convives qui auront l’occasion de déguster un menu signé par Alain Passard, chef du restaurant l’Arpège à Paris, accompagné de vins de Saint-Emilion. Une vente aux enchères de grands vins de toute la France, co-animée parl’acteur José Garcia, ainsi qu’une tombola permettront de récolter des fonds au profit de l’Association et rythmeront cette ambitieuse soirée solidaire.
Les premiers dîners caritatifs ont été créées par Auguste Escoffier en 1912.
Si les premiers dîners caritatifs créés par le «roi des cuisiniers» Auguste Escoffier en 1912, nommés «Diners d’Epicure» avaient pour but de récolter des fonds pour alimenter une caisse de retraite pour les chefs cuisiniers, ce sont désormais aussi pour des associations et des initiatives citoyennes originales que les chefs se mobilisent.
Un des exemples les plus emblématiques de cette nouvelle forme d’engagement des chefs: celui de Thierry Marx, deux étoiles Michelin devenu juré de l’émission Top Chef sur M6, qui milite pour l’insertion de jeunes et détenus dans le monde de la restauration à travers son école Cuisine mode d’emploi(s). Entièrement gratuit, le dispositif est destiné aux «jeunes sortis du système scolaire sans qualification, demandeurs d’emploi de longue durée ou en reconversion professionnelle, bénéficiaires du RSA, mais aussi individus sous-main de justice et ne pouvant suivre un cursus classique» indique l’établissement. Lancé en 2012 à Paris en partenariat avec la mairie du 20e arrondissement de Paris, le projet s’est depuis développé dans d’autres villes françaises, notamment à Besançon, Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) et Marseille.
Autre initiative, celle de l’association Croq’l’Espoir qui organise, depuis sept ans, «l’éphémère», un dîner gastronomique au profit des enfants malades de l’hôpital Armand-Trousseau, entièrement réalisé par des bénévoles issus d’écoles hôtelières qui sont encadrés par des professionnels reconnus. Cette année, l’évènement, qui a eu lieu au mois de mars, était parrainé par Christian Le Squer, le chef triplement étoilé qui œuvre actuellement au Four Season Hotel George V. L’accès à l’évènement était fixé au prix de 100 euros par convive.
L’ancien chef du Ritz, Michel Roth, est le parrain de l’association La Vie par un Fil, qui soutient les malades bénéficiant d’une nutrition artificielle.
Michel Roth, ancien chef emblématique du Ritz à Paris et honoré par le Michelin, est, de son côté, le parrain de l’association La Vie par un Fil, qui vient en aide à des malades qui bénéficient d’une nutrition artificielle. Le 25 mars dernier à Paris, l’Équipe de France de la Gastronomie et des Maîtres du Service organisait un dîner de gala au profit de cette association.
En novembre dernier, le photographe Stéphane de Bourgies avait convaincu ses amis cuisiniers de s’engager pour organiser dans un grand restaurant parisien un dîner caritatif exceptionnel. Parmi les généreuses toques, ce soir-là, Yves Camdeborde, Frédéric Anton, Jean-François Piège, Yannick Alléno, Pierre Hermé et Christophe Michalak.
En novembre dernier, le photographe Stéphane de Bourgies avait convaincu ses amis cuisiniers de s’engager pour organiser un dîner caritatif. Parmi eux, Yves Camdeborde et Jean-François Piège.
Les quelque 220 couverts (500 € par personne) avaient été réservés en quelques jours. La soirée, animée par Nagui, était également ponctuée d’une vente aux enchères de 15 lots en lien avec la gastronomie,dont une veste dédicacée par Paul Bocuse, une excursion pour 16 personnes dans le potager d’Alain Passard suivie d’un repas concocté par le triple-étoilé… L’ensemble des bénéfices avait été intégralement reversé à l’association Zazakely Sambatra, fondée par Véronique de Bourgies, qui oeuvre à la mise au point de programmes d’accompagnements et d’éducation destinés aux enfants de Madagascar.
En 2016, le chef deux étoiles Michel Sarran mettait son talent au profit de trois associations toulousaines de distribution alimentaire: l’Épicerie solidaire Maillol, Entr’act et La Main Tendue. Cette campagne, menée en partenariat avec 38 restaurants toulousains, avait l’objectif de récolter 20.000 euros pour financer la lutte contre la précarité alimentaire. Pour se faire, des chefs d’un soir avaient proposé leurs recettes favorites au public dans un format inédit, celui de la street food, via huit stands.
Le phénomène de la gastronomie caritative a pris une telle ampleur qu’un prix culinaire international a même été inventé l’an dernier afin de récompenser les restaurateurs qui s’engagent. Le «Basque Culinary World Prize» vise avant tout à récompenser des restaurateurs ayant un impact positif sur la société, davantage que la qualité de la cuisine. Cette initiative du Centre culturel basque est soutenue par de prestigieux noms de la gastronomie mondiale, dont l’Italien Massimo Bottura, Joan Roca, chef de la table El Celler de Can Roca – déjà élu meilleur restaurant du monde -, et le Péruvien Gaston Acurio.
Chaque année, le lauréat de ce prix reçoit un chèque de 100.000 euros, qui devra être consacré à un projet ou une institution choisi par le vainqueur. Parmi les initiatives retenues en 2016, le chef Alberto Crisci était notamment nommé pour son programme de réinsertion de détenus par la cuisine et l’hôtellerie. La ville de New York était retenue pour un service créé par Daniel Boulud qui offrait des repas aux personnes âgées dépendantes. Enfin, un autre projet, celui d’un chef mexicain cette-fois, s’adressait aux aveugles et aux malvoyants. Des initiatives diverses valorisées par une distinction internationale qui, certains l’espèrent, encouragera les jeunes générations de chefs à s’inscrire dans les traces de leurs aînés.